Contes Celtiques   Publié le 09/10/2004

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Comment Merlin devint conseiller du roi Arthur

 

Voici comment Merlin devint conseiller du roi Arthur !

En ce temps-là, pris de folie, Merlin vivait dans la forêt armoricaine parmi les loups et autres bêtes sauvages. Personne ne le connaissait encore.

Une nuit, on ne sait comment, vêtu de haillons, sale et pouilleux comme le pire des mendiants du royaume, il pénétra à l'intérieur du palais du roi Arthur et vint s'asseoir sur le trône de celui-ci.

Le Ministre du Palais, entrant dans la salle, fut horrifié devant ce sacrilège. Il s'apprêtait à appeler les gardes pour faire décapiter cet impudent lorsqu'il pressentit comme un mystère... Il s'approcha du trône et, avec ironie, dit à Merlin :

- Même le Grand Druide n'oserait pas s'asseoir sur ce trône... Tu ne prétends tout de même pas être le Grand Druide ?

- Ah non, répondit Merlin, je suis…  plus que ça !

- Plus que ça ! Mais, au-dessus du Grand Druide, il n'y a que le Roi ! Tu ne prétends tout de même pas être le Roi ?

- Ah non, répondit Merlin, je suis… plus que ça !

  - Plus que ça ! Plus que ça ! Mais au-dessus du Roi, il n'y a que le Chaman ! Tu ne prétends tout de même pas être le Chaman !

- Ah non, répondit Merlin, je suis… plus que ça !

  - Plus que ça ! Plus que ça ! Plus que ça ! Mais au-dessus du Chaman, il n'y a que le Grand Esprit ! Tu ne prétends tout de même pas être le Grand Esprit !

- Ah non, répondit Merlin, je suis… plus que ça !

  - Plus que ça ! Plus que ça ! Plus que ça ! Mais au-dessus du Grand Esprit, il n'y a rien !

- Eh oui, dit Merlin, je suis ce rien ! 

 

L'état du Royaume d'Arthur

 

En ce temps-là, le Royaume d'Arthur cessa brusquement d'être prospère. Les rivières sortirent de leurs lits et causèrent de graves inondations, les récoltes furent très mauvaises, les famines ravagèrent de vastes provinces et les envahisseurs apparurent aux frontières.

  Le roi et ses conseillers tentèrent en vain quantité de réformes, sans aucun succès, et le découragement était grand.

Quelqu'un cependant rappela au roi Arthur que Merlin vivait alors dans une grotte reculée, dans les profondeurs de la forêt de Brocéliande, et qu'il serait peut-être bon de le consulter, vu l'état des choses.

En désespoir de cause, le roi, devant l'aggravation de la situation et son impuissance manifeste à y porter remède, s'y résolut. Il partit donc avec les principaux dignitaires de sa cour jusqu'à cette grotte quasi inaccessible et là, il exposa à Merlin l'état du royaume.

Celui-ci ne dit rien. Il se réfugia dans un endroit encore plus désolé, encore plus inaccessible et l'on n'entendit plus parler de lui.

  Les jours, les mois, les années passèrent et les inondations cessèrent, les récoltes devinrent abondantes à nouveau, les famines disparurent et les envahisseurs furent repoussés aux frontières. La paix et la prospérité revinrent.

  Le roi fut fort étonné de cette amélioration remarquable dont il ne pouvait s'attribuer le mérite et dont il ne pouvait comprendre la cause. Il décida donc de revoir Merlin pour qu'il lui explique ce qui s'était produit.

Il lui fallut cette fois faire un voyage encore plus périlleux et il eut quelque peine à retrouver le Grand Druide tant sa retraite était inaccessible dans la forêt armoricaine. Il lui exposa de nouveau l'état du royaume, puis il lui posa la question :

- Maître, qu'avez-vous fait pour que la paix et la prospérité reviennent ainsi ?

  Merlin lui répondit :

- J'ai remis de l'ordre en moi-même ! 

 

    La soupe aux cailloux

  

Cet hiver-là fut terrible dans les Monts d'Arrée. Dans tous les villages, hommes, femmes et enfants souffraient du froid et, pis encore, de la faim. C 'était partout la désolation.

Je vais vous conter quel fut l'étrange comportement de Merlin en cette occasion.

  Il arriva en portant un grand chaudron de cuivre et s'installa au centre d'un village. Il alluma un feu, ô péniblement, avec ce qu'il put trouver d'écorces et de bois, et il mit de la neige à fondre dans son chaudron. Alors, l'un après l'autre, les enfants vinrent à lui, suivis des femmes les moins timides, puis des hommes en dernier, toujours plus soupçonneux. Tous les habitants du village, même les moins valides, se retrouvèrent en cercle autour de lui, l'œil terne, le regard hagard, hâves et grelottants.

Le temps qu'ils arrivent, la neige avait fondu dans le grand chaudron.

- Mais qu'est-ce que vous faites ? interrogea la vieille la plus hardie.

- Vous avez faim, hein ? dit Merlin. Eh bien ! je vais vous faire une soupe  aux cailloux.

Merlin prit deux ou trois galets qu'il mit dans le chaudron et, ensuite, il remua l'eau avec une spatule en bois, dans un silence aussi glacial que celui du vent du nord.

- Mais… on n'a jamais vu ça ! Une soupe aux cailloux ! C'est pas Dieu possible ! s'exclama la vieille, rompue par le froid et les privations.

Merlin, imperturbable et muet, continua son geste incompréhensible.

- P't'ete bien que la soupe aux cailloux serait meilleure avec une pincée de sel ! lança la vieille avant d'aller chercher dans sa cabane, au fond d'une écuelle, quelques grains de sel qu'elle vint jeter dans le chaudron.

Alors, une autre vieille quitta brusquement le cercle en grognant. Elle venait de se souvenir d'un oignon qui avait roulé sous son lit, il y a bien longtemps, et qu'elle n'avait jamais ramassé.

- P't'ete bien que la soupe aux cailloux seraient meilleure si on ajoutait un oignon, dit-elle en le coupant en morceaux qu'elle jeta dans l'eau chaude.

Merlin, impavide, tournait toujours sa spatule, le regard dans le vide.

- Je m'souviens ! dit un vieux que l'on vit disparaître aussitôt et revenir peu après.

Voilà qu'il dit :

- La soupe aux cailloux, elle s'rait-ti pas meilleure avec ça.

Il ajouta dans le chaudron quelques rogatons de pommes de terre.

Voilà que, tour à tour, chacun des habitants s'éclipsa et revint avec qui un peu de lait caillé gelé au fond d'une écuelle, qui quelques grains de blé ou d'avoine, qui un peu de farine.

  Merlin ne prononça aucune parole. Quand tous les ingrédients apportés par les uns et les autres furent cuits, il servit à chacun une écuelle de la meilleure soupe aux cailloux qu'on n'ait jamais faite !

Cela réchauffa les cœurs, délia les langues. L'hiver devint subitement moins froid. L'on décida de se regrouper dans la plus grande hutte pour se tenir chaud et de faire chaque jour une soupe aux cailloux pour tous. L'hiver des cœurs cessa et, croyez-moi, la neige fondit très vite…

Merlin, lui, était aussitôt reparti avec son grand chaudron de cuivre vers le village voisin pour y faire une autre soupe aux cailloux…

Régor Mougeot

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